Un mois, une plante : le millepertuis
Le millepertuis perforé de son nom latin Hypericum perforatum L. est peut-être l’une des plantes de l’herboristerie les plus connues car il soigne autant les blessures de l’âme que du corps. On le nomme aussi herbe de la Saint-Jean car c’est l’une des plantes de la lumière associée au solstice d’été qui fleurit et est récoltée à cette période.
Il appartient à la famille des Hypericacées, une famille avec peu de représentants au niveau mondial (560 espèces) et qui ne contient qu’un seul genre[i] en Suisse, celui des millepertuis (Hypericum)[ii] [4].
Attention à cueillir uniquement des plantes dont vous êtes certain·e·s de l’identification (cf. article sur les règles de cueillette).
Le reconnaître :
Le millepertuis est une plante vivace de 30 à 100 cm. Il a généralement plusieurs tiges très rameuses, dressées, glabres, fermes et légèrement ligneuses à la base. Les tiges sont pleines, de section cylindrique avec 2 côtes saillantes longitudinales opposées (image a). Les feuilles, de 1-2(-4) cm, sont opposées-décussées[iii]. Elles sont simples[iv], entières[v], sessiles[vi], de forme ovales-elliptiques à linéaires et dont le limbe[vii], à bord souvent recourbé, est ponctué de très nombreuses et minuscules glandes visibles par transparence et bordé sur les marges de petits points noirs correspondant aussi à des glandes (image b). Les fleurs, de couleur jaune vif sont groupées en large panicule[viii] (image c). Elles ont 5 pétales à symétrie imparfaite, bordés de glandes noires et qui sont 3-4 fois plus longs que le calice[ix]. Les étamines sont soudées en 3 faisceaux (images d et e). Les sépales, de 4-5 mm, sont entiers, finement acuminés[x] et dépourvus ou avec très peu de glandes noires (image f). On peut observer un liquide de couleur rouge caractéristique lorsque l’on presse les boutons floraux entre ses doigts. Les fruits sont des capsules (image g) [5 et 7].
Écologie :
C’est une plante indigène non menacée, qui pousse dans les lieux lumineux comme les prairies sèches, les lisières ou les clairières. Il pousse de la plaine (étage collinéen) jusqu’à l’étage montagnard voir parfois jusqu’à l’étage subalpin [5]. Selon Gérard Ducerf, il indiquerait un engorgement des sols riches en base et en matière organique végétale archaïque pouvant mener à un excès de carbone et une carence en matière azotée et en matière organique d’origine animale. Il indiquerait également une évolution vers la forêt [2].
Confusions :
Le millepertuis perforé peut être confondu avec d’autre millepertuis, mais il se distingue par les critères suivants : tige à 2 côtes saillantes opposées, pétales jaunes à symétrie imparfaite et bordés de points noirs et liquide de couleur rouge dans le bouton floral et la fleur [7].
Exemples de millepertuis communs pouvant être confondus avec le millepertuis perforé :
- Le millepertuis maculé (ou tacheté) (Hypericum maculatum Crantz.) de la famille des Hypericacées
- Le millepertuis de montagne (Hypericum montanum L.) de la famille des Hypericacées
Le millepertuis maculé est une plante vivace de 20 à 100 cm, qui se distingue du millepertuis perforé par :
- une tige quadrangulaire, généralement creuse et sans côtes ailées. - des feuilles, de 2-4 cm, à bord non recourbé et dont généralement seules les supérieures sont munies de glandes translucides. - des sépales elliptiques ou ovales, brièvement acuminés ou obtus, mais ni ciliés, ni glanduleux. - des pétales, plus grands (9-14 mm), symétriques, à dos strié et ponctués de noir, 2-3 fois plus longs que le calice et 80 à 100 étamines [5 et 7]. |
Le millepertuis de montagne est une plante vivace élancée de 30-80 cm, à plusieurs tiges dressées mais rameuses seulement dans l'inflorescence. Sa tige est ronde mais sans lignes saillantes et présente des entre-nœuds longs. Ses feuilles, de 2-4 cm, largement ovales, un peu en cœur sont bordées de points noirs, mais le limbe n’a généralement pas de glandes translucides. Ses fleurs sont groupées en inflorescence dense et courte. Ses sépales, de 5-6 mm, sont aigus, ciliés et frangés de 6-8 grosses glandes noires subsessiles. Ses pétales symétriques et sans points noirs sont environ 2 fois plus longs que le calice [5 et 7]. |
Usages culinaires :
Si Couplan relève qu’il a autrefois été consommé en petite quantité [1], le millepertuis est très peu utilisé en cuisine et il n’y a pas d’information sur ses valeurs nutritionnelles. De plus, il est inscrit sur la liste des plantes dont l’utilisation n’est pas admise comme denrées alimentaires de l’ODAlOV[xi].
Attention la cueillette et l’utilisation de plantes sauvages n’est pas un acte anodin et nécessite de connaitre les précautions d’usage. Pour tout cela, veuillez vous référer à notre article sur le sujet ou vous inscrire à l’une de nos sorties sur l’onglet calendrier de ce site.
Usages médicinaux :
Attention l’utilisation de plantes pour des usages médicinaux n’est pas anodine et ne remplace en aucun cas l’avis d’un professionnel de la santé. Cela est particulièrement vrai pour le millepertuis, car son inscription sur la liste de l’ODAlOV réserve la prescription de préparations destinées à l’usage interne aux médecins et pharmaciens.
L’usage externe est donc le seul usage autorisé aux particuliers sans passer par un pharmacien ou un médecin. La macération huileuse des sommités fleuries de millepertuis, récoltées au début de la floraison, est une vulnéraire traditionnelle. Elle est employée pour la protection et la réparation cutanée (en cas de brûlures, de plaies superficielles ou de piqûres d’insectes mais aussi en cas d’acné surinfecté, d’érysipèle[xii], de dermatite atopique[xiii], ou en cas de peau sèche ou irritée), ainsi qu’en cas de douleurs musculaires, rhumatismales (rhumatisme, goutte) ou nerveuses. Elle serait également antivirale, antibactérienne, anti-inflammatoire, analgésique et aurait même des propriétés anti-prolifératives sur les cellules tumorales. Seul le millepertuis perforé (Hypericum perforatum L.) est utilisé pour un usage médicinal, car il renferme comme principe actif l’hypericine qui colore l’huile en rouge [1 et 7].
Préparation :
Variante : Il est possible de réaliser un baume, en ajoutant de la cire d’abeille à la macération huileuse. L’utilisation est la même que la macération huileuse. |
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Comme indiqué précédemment, la prescription de préparation pour l’usage interne est réservée aux pharmaciens et médecins. Ses sommités fleuries, sous forme d’alcoolature, de tisane ou d’extraits (EPS), sont psychotropes et anti-dépressives. Elles sont utilisées dans les épisodes dépressifs légers à modérés, en cas de nervosité, d’anxiété, de fatigue intense mais aussi dans certains problèmes digestifs comme les dyspepsies, l’inflammation des muqueuses gastriques ou de pathologies biliaires [6 et 7].
Constituants :
Le millepertuis contient 10 à 15 % de tanins catéchiques, 4 à 5 % de flavonoïdes (kaempférol, isoquercitroside, rutoside et l’hyperoside), des dérivés de la dianthrone (hypéricine) et des dérivés du phloroglucinol (hyperforine), 0,1 à 0,4 % d’huile essentielle (alpha-pinène, monoterpènes et sesquiterpènes), des acides phénoliques (acides chlorogénique et caféiques), des caroténoïdes, divers minéraux et des xanthones [6 et 7].
Contre-indications :
Globalement le millepertuis est une plante bien tolérée mais il présente deux contre-indications importantes probablement liées à l’hypéricine et l’hyperforine :
- Il peut avoir un effet photosensibilisant, en cas d’application sur la peau et toutes les préparations très dosées même par voie orale (comprimés).
- Il peut avoir des interactions médicamenteuses, ce qui signifie qu’il diminue l’efficacité médicamenteuse de certaines substances, notamment les immunosuppresseurs, les trithérapiques et les contraceptifs), et à l’inverse, il y aurait un risque de syndrome sérotoninergique[xiv] dû à un surdosage lorsqu’il est pris conjointement avec d’autres antidépresseurs [6 et 7].
ATTENTION : il ne faut pas négliger ou sous-estimer un état dépressif. Le traitement de la dépression ne doit pas être uniquement médicamenteux : la prise en charge psychologique est indispensable et de plus, notez que le millepertuis n’est pas indiqué dans les dépressions sévères.
Vous souhaitez en apprendre plus sur l’identification, la cueillette ou la préparation du millepertuis et de bien d’autres plantes sauvage, alors n’hésitez pas à vous inscrire à nos sorties et ateliers.
Sources :
[1] Couplan F., Styler E. (1994), Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 415 pages.
[2] Ducerf G. (2014), L’encyclopédie des plantes bioindicatrices – alimentaires et médicinales – guide de diagnostic des sols – volume 1, 4e édition, Promonature,351 pages.
[3] Eggenberg S. Fragnière Y., Sciboz J., Kozlowski G. (2021), Le glossaire illustré pour la botanique de terrain, Haupt, Berne, 173 pages.
[4] Spichiger R.-E., Figeat M., Jeanmonod D. (2016), Botanique systématique avec une introduction aux grand groupes de champignons, 4e édition, PPUR, Lausanne, 448 pages.
[5] www.infoflora.ch
[6] Support de cours de Ecole de plantes médicinale L’Alchémille
[7] www.openflora.ch
Lexique :
[i] Genre : rang taxonomique dans lequel sont regroupées plusieurs espèces (parfois une seule). Le nom de genre compose la première partie du binôme du nom scientifique d’une espèce [3]. [ii] Verticillé : qualifie un groupe d’organes disposés circulairement au même niveau autour d’un axe [3]. [iii] Opposé-décussé : se dit de feuilles qui s’insèrent à un même niveau en se faisant face, soit opposées, et dont les paires successives sont décalées de 90°. [iv] Simple : se dit d’une feuille non composée de folioles contrairement aux feuilles composées [3]. [v] Entière : se dit d’un organe dont la marge n’est ni divisée, ni découpé, ni lobée, ni dentée [3]. [vi] Sessile : se dit d’un organe, souvent fleur ou feuille, dépourvu de support (stipe, pétiole, pédoncule, pédicelle…). [vii] Limbe : partie en général aplatie et élargie de la feuille prolongeant le pétiole qui est le siège principal de la photosynthèse, de la respiration et de la transpiration. [viii] Panicule : inflorescence de type grappe composée dont la longueur des pédicelles diminue de la base vers le sommet, lui donnant une forme conique ou pyramidale [3]. [ix] Calice : ensemble des sépales d’une fleur [3]. [x] Acuminé : terminé par une pointe effilée [3]. [xi] ODAlOV : Ordonnance du DFI sur les denrées alimentaires d’origine végétale, les champignons et le sel comestible. [xii] Érysipèle : inflammation de la peau caractérisée par des plaques rouges, chaudes et gonflées associés à une fièvre. Un érysipèle est provoqué par une infection due, le plus souvent, à un streptocoque qui touche couramment les membres inférieurs [7]. [xiii] Dermatite atopique : dermatite survenant sur un terrain allergique touchant plus particulièrement les enfants, elle se manifeste dès les premiers mois de la vie par des plaques rouges et suintantes, très prurigineuses, prédominant sur le visage, les membres et parfois le cuir chevelu. Certains facteurs comme le stress, le froid, les produits cosmétiques peuvent aggraver les lésions. Dans ¾ des cas, la dermatite atopique se résout spontanément aux alentours de l’âge de 10 ans [7]. [xiv] Syndrome sérotoninergique : effet indésirable possible de plusieurs antidépresseurs, qui correspond à un excès de sérotonine au niveau des neurones du cerveau. Des cas pouvant mettre en jeu le pronostic vital ont été rapportés chez différents patients qui prenaient des antidépresseurs et du millepertuis de manière simultanée [7]. |