Un mois, une plante : le coquelicot
Le coquelicot de son nom latin Papaver rhoeas L. est une plante connue de presque tous mais dont les propriétés culinaires ou médicinales sont moins connues.
Il appartient à la famille des Papaveracées, une famille avec peu de représentants au niveau mondial (775 espèces). Cette famille comprend des représentants aussi connus que les pavots (genre[i] Papaver) auquel appartient le coquelicot et le pavot somnifère dont on extrait l’opium, mais aussi des espèces appartenant à d’autres genres comme les fumeterres ou la chélidoine [4].
Attention à cueillir uniquement des plantes dont vous êtes certain·e·s de l’identification (cf. article sur les règles de cueillette).
Le reconnaître :
Le coquelicot est une plante herbacée annuelle[ii] de 15 à 70 cm de haut au port dressé et qui sécrète du latex[iii] blanc translucide noircissant à l’air. La tige est feuillée, pleine, ronde, mince, souple et velue et peut être simple ou rameuse (image a). Les feuilles sont alternes[iv], inodores, 1 à 2 fois pennatipartites[v] avec des segments lancéolés-aigus, mucronés[vi], incisés-dentés et poilus (image b). Les feuilles basales[vii] sont disposées en rosettes[viii] pétiolées[ix]. Les feuilles caulinaires[x] sont sessiles[xi]et non-embrassantes[xii]. Les fleurs solitaires, de couleur rouge écarlate (plus rarement rose pâle ou blanc) sont portées par un pédicelle[xiii] à poils blancs, raides et généralement très étalés. Les 2 sépales qui entourent le bouton floral sont caduques [xiv] (image c). Les 4 pétales de 2 à 4 cm de long, sont soyeux, souvent tachés de noir à la base et sont chiffonnés dans le bouton floral (image d). La fleur possède de nombreuses étamines avec un filet filiforme et des anthères noirâtre et des stigmates[xv] à 8 à 18 rayons (image e). Le fruit est une capsule obovale, glabre, 1 à 2 fois plus longue qu'épaisse, arrondie à la base (image f). Les graines sont très nombreuses, grises, très fines [4, 7 et 9].
Écologie :
C’est une plante indigène non menacée, qui aime les sols basiques riches en azote et récemment remués et qui pousse volontiers dans les champs et dans les décombres. C’est une espèce thermophile[xvi], qui aime la lumière et qui pousse de la plaine (étage collinéen) jusqu’à l’étage montagnard voir parfois jusqu’à l’étage subalpin [7]. C’est aussi une plante messicole[xvii] car elle aime les champs de céréales et est d’ailleurs souvent présente dans les milieux à la végétation ségétale[xviii] des sols carbonés [6]. Selon Gérard Ducerf, elle indiquerait des brusques remontées de pH[xix] ainsi qu’un milieu avec un contraste hydrique marqué par de l’humidité hivernale et de la sécheresse estivale [2].
Confusions :
Au stade de rosette, il est possible de le confondre avec des plantes comme des Astéracées ou la bourse-à-pasteur (Capsella bursa-pastoris (L.) Medik).
Même si la plupart des confusions sont sans danger, afin d’éviter tout risque, je vous conseille donc de cueillir la plante lorsqu’elle est en fleur le temps de vous familiariser avec elle (cf. article sur les règles de cueillette).
Lorsqu’il est en fleur, moins de confusions existent. Il peut être confondu avec d’autres pavots à fleur rouge, mais le coquelicot est le seul à avoir de larges pétales rouges qui se recouvrent et une capsule 1 à 2 fois plus haute que large. Attention cependant car le pavot somnifère n’est pas anodin et les autres espèces sont rares voire très rares [7].
Exemples de pavots à fleur rouge pouvant être confondus avec le coquelicot :
- Pavot douteux (Papaver dubium L.) de la famille des Papaveracées
- Pavot somnifère (Papaver somniferum L.) de la famille des Papaveracées
- Pavot argémone (Papaver argemone L.) de la famille des Papaveracées
- Pavot hybride (Papaver hybridum L.) de la famille des Papaveracée
Le pavot douteux est une plante annuelle de 30-80 cm, très semblable au coquelicot mais qui se distingue par :
C’est une plante que l’on trouve dans les champs ou les coteaux secs et chauds et qui se trouve aux mêmes altitudes que le coquelicot [7]. Si la consommation du pavot douteux n’est pas dangereuse, une de ses sous espèces (Papaver dubium subsp. lecoqii (Lamotte) Syme) est potentiellement menacée (statut NT) et ne devrait pas être cueillie.
Source des images : flore-en-ligne.fr |
Le pavot somnifère est une plante annuelle de 50 à 150 cm, caractérisé par :
C’est une plante cultivée ou subspontanée qu’on trouve dans les décombres et plutôt à faible altitude (collinéen à montagnard) [7]. Le latex de la plante renferme de nombreux alcaloïdes qui sont psychotropes et narcotiques mais l’emploi de ses graines et de ses feuilles est sans danger.
Source des images : flore-en-ligne.fr |
Le pavot agrémone est une plante annuelle de 15 à 50 cm, caractérisé par :
C’est une plante que l’on trouve dans les champs, jachères et lieux incultes et qui se trouve principalement en Valais et aux mêmes altitudes que le coquelicot voire un peu plus haut [7]. Si la consommation du pavot agrémone n’est pas dangereuse, c’est une espèces rare (statut VU) et protégée à Genève et ne doit donc pas être cueillie.
Sources des images : Woflgang Bischoff et Muriel Bendel sur openflora.ch |
Le pavot hybride est une plante annuelle, semblable au pavot argémone, mais qui se distingue par :
C’est une plante que l’on trouve dans les jachères et lieux incultes et qui se trouve principalement en Valais en plaine et qui est très rare (Statut CR (RE)) et ne doit donc pas être cueillie [7].
Source des images : Muriel Bendel sur openflora.ch |
Attention, la cueillette et l’utilisation de plantes sauvages n’est pas anodine et nécessite de connaitre les précautions d’usage. Pour tout cela, veuillez-vous référer à notre article sur le sujet ou vous inscrire à l’une de nos sorties ou ateliers sur l’onglet calendrier de ce site.
Précautions de cueillette :
Le coquelicot poussant souvent dans des champs, il est conseillé de demander l’autorisation de cueillette au propriétaire et de profiter ainsi de vérifier que le mode de culture ne comporte pas de pesticides de synthèse. La présence de coquelicots dans un champ ne garantit pas l’absence de produits chimiques, car le coquelicot peut être résistant à certains herbicides [5 et 9].
Usages culinaires :
En raison de la présence d’alcaloïdes, on utilise le coquelicot avec modération et uniquement les parties pauvres en latex, comme les feuilles, les fleurs et les graines. On évite donc la tige, les feuilles âgées et les capsules, des cas d’intoxication ont été rapportés en cas de consommation d’une grande quantité de ces parties.
Les jeunes feuilles (encore au stade de rosette) peuvent être mangées crues en mélange dans une salade ou lactofermentées Elles sont meilleures cuites à la vapeur, poêlées, en soupe ou en farce avec d’autres plantes. Les boutons floraux décorent les salades, peuvent être mis au vinaigre comme des câpres ou encore poêlés. Les pétales décorent les salades ou peuvent être infusés pour réaliser des préparations sucrées comme des sirops ou des bonbons. Les graines peuvent être utilisées, avec modération, en pâtisserie ou boulangerie ou en condiment [9].
Usages médicinaux :
Les pétales sont calmants, sédatifs légers et antitussifs et utiles pour calmer la nervosité, l’irritabilité et les troubles mineurs du sommeil.
En interne, les infusions et les sirops pectoraux de pétales peuvent être utilisés en cas de toux dont les toux spasmodiques quelle que soit l’origine (infection, asthme…) et particulièrement dans les toux des enfants nerveux. Le traitement est symptomatique et il ne faudra pas négliger de traiter la cause de la toux. Il est aussi utile lors d’enrouement, de rhume ou de bronchite [8 et 9].
Séchage :
Attention le séchage des pétales est délicat, veiller à bien étaler chaque pétale séparément dans un lieu sec, bien aéré et à l’abri du soleil. |
Sirop pectoral :
Mettre entre 50 g et 200 g de pétales dans 1 litre d’eau froide, porter à ébullition. Laisser macérer 6 à 12 heures. Filtrer puis ajouter entre 1kg et 1,8 kg de sucre avant de porter 10 min à ébullition. Utilisation : 1 cuillère à soupe 3 à 4 fois par jour ; pour les enfants, remplacer les cuillères à soupe par des cuillères à café. |
Constituants :
Le coquelicot contient jusqu’à 0,12% d’alcaloïdes[xxiii] toxiques (papavérine, rhéadine) qui exercent une action similaire à celle du pavot officinal mais en moins fort et il ne contient pas d’opium. Il contient aussi des anthocyanes (qui colorent les fleurs), des mucilages, des tanins et des minéraux (potassium et calcium) [8 et 9].
Contre-indications :
Des cas d’intoxication ont été rapportés en cas de consommation de grande quantité de tiges et de feuilles en raison de la présence d’alcaloïdes. Si les pétales ne présentent aucune toxicité, chez certains sujets ils peuvent produire les mêmes réactions d'intolérance que l'opium. On prendra garde, surtout chez l'enfant, d'éprouver sa sensibilité en commençant par de faibles doses (une cuillère à café de sirop par jour) [8 et 9].
Vous souhaitez en apprendre plus sur l’identification, la cueillette ou la préparation du coquelicot et de bien d’autres plantes sauvages, alors n’hésitez pas à vous inscrire à nos sorties et ateliers.
Sources :
[1] Couplan F., (2017), Le régal végétal, Sang de la terre, Paris, 527 pages.
[2] Ducerf G. (2014), L’encyclopédie des plantes bioindicatrices – alimentaires et médicinales – guide de diagnostic des sols – volume 1, 4e édition, Promonature,351 pages.
[3] Eggenberg S. Fragnière Y., Sciboz J., Kozlowski G. (2021), Le glossaire illustré pour la botanique de terrain, Haupt, Berne, 173 pages.
[4] Fragnière Y., Ruch N., Kozlowski E., Kozlowski G. (2020), Connaissances botaniques de base en un coup d'œil - 40 familles de plantes d'Europe centrale, 2e édition, Haupt, Berne, 319 pages.
[5] Thévelin T. (2012-2015), Les plantes sauvages. Connaitre, cueillir et utiliser, Lucien Souny, 339 pages.
[6] Delarze R. & Gonseth Y, Eggenberg S & Vust M. (2015), Guide des milieux naturels de Suisse, 3e édition, Rossolis, Bussigny, 440 pages.
[7] www.infoflora.ch
[8] Support de cours de Ecole de plantes médicinale L’Alchémille
[9] Support de cours de Chemin de la Nature
[10] www.openflora.ch
Lexique :
[i] Genre : rang taxonomique dans lequel sont regroupé plusieurs espèces (parfois une seule). Le nom de genre compose la première partie du binôme du nom scientifique d’une espèce [3]. [ii] Plante annuelle : plante qui fait son cycle en une année. [iii] Latex : liquide, souvent laiteux, à consistance plus ou moins épaisse et en général blanc qui est produit par certaines plantes. Il s’écoule quand on casse un organe (tige, pétiole...). [iv] Alterne : se dit d’organes (feuilles, rameaux, parfois bractées ou fleurs) insérés isolément à des hauteurs différentes, sur l’axe qui les porte. [v] Pennatipartite : qualifie une feuille simple à nervation pennée dont les découpes dépassent la moitié du limbe [3]. [vi] Mucroné : terminé par un mucron soit en général une feuille au sommet ± arrondi avec une petite pointe saillante [3]. [vii] Feuilles basales : feuilles qui poussent à la base de la plante et pas le long de la tige. [viii] Rosette : groupe de feuilles disposées en cercle, très rapprochées les unes des autres, qui se situe au niveau du sol. [ix] Pétiolée : plante présentant un pétiole soit la partie rétrécie de la base de la feuille qui la rattache à la tige. [x] Feuilles caulinaires : feuilles qui poussent le long de la tige. [xi] Sessile : dépourvu de pétiole, pédoncule ou pédicelle. [xii] Embrassant : qualifie une organe entourant ± l’axe sur lequel il est inséré [3]. [xiii] Pédicelle : axe de petite taille portant une fleur unique ou un épillet [3]. [xiv] Caduque : se dit d’un organe se détachant et tombant spontanément [3]. [xv] Stigmate : partie femelle de la fleur, généralement portée par le style et dont le rôle est de capter les grains de pollen [3]. [xvi] Thermophile : se dit d’un organisme se développant de manière optimale à des températures élevées [3]. [xvii] Messicole : qualifie une plante dont le cycle de vie suit le rythme des cultures céréalières, synonyme de ségétale [9]. [xviii] Ségétale : qualifie une plante dont le cycle de vie suit le rythme des cultures céréalières, synonyme de messicole [9]. [xix] pH : pour potentiel hydrogène sert à mesurer l’acidité ou la basicité d’une solution [wikipedia]. [xx] Filet : filament d’une étamine portant l’anthère càd la partie terminale de l’étamine [3]. [xxi] Anthère : partie terminale de l’étamine [3]. [xxii] Sétacé : qualifie un organe fin, long et raide, faisant penser à une soie [3]. [xxiii] Alcaloïde : molécules présentant de manière générale des propriétés pharmacologiques et/ou toxiques marquées à (très) faibles doses. Les plantes en contenant ne sont donc généralement pas utilisées en herboristerie en raison de leur toxicité. Le coquelicot fait (avec quelques autres plantes) exception à la règle et ses pétales peuvent être utilisés sans danger [9]. |