Un mois, une plante : avril – la violette odorante

Un mois, une plante : la violette odorante

La violette odorante, de son nom latin Viola odorata L. est une jolie petite fleur utilisée autant pour embellir les jardins, dans la parfumerie, la cuisine ainsi que pour ses propriétés médicinales. Cette plante a joué un rôle important dans la culture populaire, apparaissant dans la mythologie et diverses légendes [1].

Elle appartient à la famille des Violacées, une famille qui en Suisse ne contient que le genre Viola qui regroupe les violettes et les pensées. S’il est facile en un coup d’œil de reconnaitre une fleur de violette ou de pensée, la détermination des espèces est bien plus complexe, notamment en raison de la présence d’hybrides (notamment entre Viola odorata x Viola hirta) et nécessite donc plus d’expérience [1 et 7]. Attention à cueillir uniquement des plantes dont vous êtes certain·es de l’identification (cf. article sur les règles de cueillette).

La reconnaître :

La violette odorante est une petite plante vivace de 5 à 15 cm, légèrement velue qui pousse en colonie plus ou moins étendue. Les parties souterraines sont constituées d’un rhizome[i]court, épais et marron clair qui émet des stolons[ii] grêles et longs (ceux de l’année généralement stériles) (image a). C’est une plante acaule[iii] aux feuilles disposées en rosette[iv]. Les feuilles aux bords dentés-crénelés sont de forme cordées ou réniformes[v] et arrondies au bout et sont presque aussi longues que larges. Le pétiole[vi] des feuilles a des petits poils dirigés vers le bas et ses stipules[vii] sont de forme lancéolée à ovale et munies de quelques franges courtes et glanduleuses généralement glabres (image b). A noter que les feuilles évoluent durant la saison : elles sont d’abord petites et glabres[viii] de couleur vert clair et légèrement brillantes et deviennent plus grandes, plus poilues et plus foncées en été. La violette odorante présente deux types de fleurs : des fleurs stériles violettes qui apparaissent de février à mai et des petites fleurs fertiles verdâtres sans pétales, cachées sous les feuilles qui se développent à l’automne (image b). Les fleurs stériles sont parfois très odorantes mais pas toujours. Elles sont violet foncé (rarement lilas ou blanches) avec 5 sépales[ix] libres et ovales, 5 pétales[x] libres à veines foncées : 2 pétales supérieurs dressés, 2 pétales en ailes orientés vers le bas et un 5e pétale inférieur prolongé en éperon[xi] droit et violacé où s’accumule le nectar (image c). Les fruits sont des capsules pubescentes qui contiennent de nombreuses petites graines qui sont éjectées lors qu’elles sont matures entre avril et mai. Le pédicelle[xii]fructifère est retombant [4, 7, 8 et 10].

Image a: Rhizome et stolons de la violette odorante (source: flore-en-ligne.fr)
Image b: Fleurs fertiles et stipules de la violette odorante (source: flore-en-ligne.fr)
Violette odorante
Image c1: Fleurs stériles et feuilles de la violette odorante (source: florsauvage)
Image c2: Détail d'une fleurs stériles de violette odorante (source: flore-en-ligne.fr)
Image c3: Détail d'une fleurs stériles de violette odorante (source: flore-en-ligne.fr)

Écologie :

C’est une plante indigène non menacée, qui pousse dans des milieux très divers comme les buissons, les lisières, les lieux ombragés ou les gazons. Elle est même caractéristique des ourlets nitrophiles mésophiles. Son amplitude altitudinale correspond aux forêts de feuillus, soit de la plaine (étage collinéen) jusqu’à l’étage montagnard [5 et 8].

Confusions :

Lorsqu’elle est en fleur, la violette odorante peut être confondue avec les autres violettes et les pensées du genre Viola (critères de distinction : image d ainsi que le flora gallica [6 et 7]). Cette confusion n’est pas grave car toutes les violettes et les pensées de couleur violette ont les mêmes usages.

Image d: Planches distinguant les feuilles, les pétioles des feuilles centrales bien développées et les stipules de différentes violettes (a. Viola alba subsp alba, b. V. ambigua, c. V. collina, d. V. hirta, e. V. odorata, f. V. suavis. Dessins : P. Mered’a Jr.) ©Hodalova et al. [7]

 

 

 

 

 

 

 

 

Distinction entre les violettes et les pensées :

Les violettes ont les pétales ailés orientés vers le bas (41) alors que les pensées ont les 2 pétales en ailes orientées vers le haut (42) (image e).

 

Image e: Distinction entre les violettes et les pensées ( source [2])

Si on n’a que les feuilles (stade végétatif), il est possible de confondre les feuilles de violette odorante avec 4 autres plantes qui ne sont pas du même genre botanique dont la ficaire qui a une légère toxicité.

Ces 4 plantes peuvent pousser mélangées à la violette, afin d’éviter tout risque, je vous conseille donc de cueillir la plante lorsqu’elle est en fleur le temps de vous familiariser avec elle (cf. article sur les règles de cueillette).     

L’alliaire est comestible et possèderait des usages médicinaux traditionnels [3]. Il s’agit d’une plante bisannuelle[xiii], parfois annuelle de 20 à 90 cm de haut dégageant une odeur d'ail et de chou quand on la froisse. Ses feuilles inférieures, qui peuvent être confondues avec celle de la violette odorante, sont cordées ou réniformes, à bordure sinuée-dentée et munies d’un long pétiole. Ses feuilles caulinaires[xiv] sont terminées en pointe et bordées de dents aigües. Ses fleurs sont blanches avec des pétales en croix. Ses fruits sont des siliques[xv] étalées-dressées longues de 2-7 cm. C’est une plante rudérale[xvi] que l’on trouve le long des chemins, des murs, des buissons ou dans les zones de décombres [8] .

 

 

Photo Flo'r Sauvage
Le lamier pourpre est une plante comestible, bisannuelle, parfois annuelle, de 15 à 25 cm de haut. Ses feuilles sont en cœur à la base, pétiolées, irrégulièrement crénelées, à poils épars et souvent lavées de pourpre. Son inflorescence[xvii] est composée de 6 à 10 fleurs pourpres, en pseudoverticilles[xviii] à l'aisselle des feuilles supérieures. Sa corolle[xix], longue d'environ 1 cm est purpurine, peu tachetée avec un tube droit, étroit, muni d'un anneau de poils à l'intérieur de sa gorge. Les fruits sont des akènes[xxx] lisses. C’est une plante adventice[xxi] que l’on trouve dans les champs, les vignes ou les jardins [8].

 

 

 

Photo Flo'r Sauvage
Le lierre terrestre est une plante comestible et médicinale. Il s’agit d’une plante vivace de 5 à 20 cm de haut, plus ou moins pubescente et à odeur caractéristique. Sa tige stérile est couchée, rampante, radicante[xxii], de section carrée. Sa tige florifère est quant à elle dressée. Ses feuilles sont opposées, réniformes à cordiformes, grossièrement crénelées et à long pétiole. Ses fleurs bilabiées sont groupées par 2 ou 3 et de couleur violet bleuté, rarement rosées. La lèvre supérieure est plane et la lèvre inférieure est constituée de 3 lobes à taches pourpres sur fond blanchâtre avec lobe médian plus grand et échancré. Son calice et ses feuilles supérieures souvent lavés de violet foncé. Son fruit est un akène trigone lisse. C’est une plante qui affectionne les prairies, les buissons et les lisières [8].
Photo Flo'r Sauvage
La ficaire est une plante vivace allant jusqu’à 30 cm et formant souvent des colonies. Elle porte après la floraison des bulbilles[xxiiii] subsphériques, aux aisselles des tiges inférieures de la grosseur d'un grain de blé qui se détachent en juin. Ses feuilles luisantes sont suborbiculaires en cœur avec un long pétiole engainant. Les inférieures sont sinuées et peuvent être confondues avec celles de la violette alors que les supérieures sont anguleuses. Sa fleur possède 8 à 11 pétales jaunes intenses et brillants. C’est une plante des haies et vergers qui affectionne les bords des ruisseaux et des flaques [8].

La plante contient de l’anémonine et de la protoanémonine, des saponines, des tanins et de la vitamine C. La protoanémonine est une substance toxique qui se décompose lors du séchage, ce qui fait que sa toxicité diminue forment au séchage et ses feuilles peuvent être consommées avec modération en mélange avec d’autres plantes. Attention une salade entière de feuilles de ficaires est irritante voire dangereuse. Enfin, cette plante a des propriétés médicinales, mais attention à n’utiliser que des plantes séchées et exclusivement par voie externe [3 et 9].

Photo Muriel Bendel sur openflora.ch

Usages culinaires :

Attention la cueillette et l’utilisation de plantes sauvages n’est pas un acte anodin et nécessite de connaitre les précautions d’usage. Pour tout cela, veuillez vous référer à notre article sur le sujet ou vous inscrire à l’une de nos sorties sur l’onglet calendrier de ce site.

Les fleurs crues de la violette odorante décorent les salades et parfument les desserts, cuites elles peuvent entrer dans la composition de confitures, de bonbons, de sirops ou aromatiser les jus de fruits ou le vinaigre. Les feuilles récoltées entre fin février et mai, peuvent être mangées crues en salade ou en jus. Cuites, elles s’insèrent dans divers plats de légumes ou soupes où les mucilages donneront un côté épaississant [3 et 10].

Photo Flo'r Sauvage

Usages médicinaux :

Attention l’utilisation de plantes pour des usages médicinaux n’est pas anodin et ne remplace en aucun cas l’avis d’un professionnel de la santé.

Les fleurs et les feuilles sont expectorantes et antitussives d’où l’usage dans les sirops pectoraux, mais aussi adoucissantes (émollientes), antiprurigineuses et laxatives en raison de la présence de mucilages. Elles stimulent la transpiration. La racine a des propriétés expectorantes plus puissantes mais à doses plus élevées elle est vomitive.

En interne, les infusions ou les sirops de fleurs et de feuilles peuvent être utilisés en cas de bronchites, d’asthme bronchique, de toux ou de rhumes.

En externe, la plante est traditionnellement utilisée pour le traitement des troubles dermatologiques (sécheresse, inflammation, acné, eczéma, urticaire et allergies) [9 et 10].

Constituants :

La violette odorante contient des mucilages, des flavonoïdes, du salicylate de méthyle, des saponines (myrosine et violine), des glucosides phénoliques (dont la gaulthérine), des pigments anthocyaniques, de la vitamine C et un alcaloïde (odoratine) [9 et 10].

Contre-indications :

L’utilisation prolongée ou une dose excessive d’infusion de violette peut provoquer une allergie cutanée, des vomissements ou une diarrhée chez certaines personnes. Ces symptômes disparaissent rapidement lorsque l’on arrête la consommation. La violette est à éviter en cas d’allergie aux dérivés salicylés comme l’aspirine, du fait de la présence de salicylates [9 et 10].

Vous souhaitez en apprendre plus sur l’identification, la cueillette ou la préparation de la violette odorante et de bien d’autres plantes sauvage, alors n’hésitez pas à vous inscrire à nos sorties et ateliers.

Sources :

[1] Fragnière Y., Ruch N., Kozlowski E., Kozlowski G. (2020), Connaissances botaniques de base en un coup d'œil - 40 familles de plantes d'Europe centrale, 2e édition, Haupt, Berne, 319 pages.

[2] Aeschimann D. & Burdet H. (2005), Binz, le nouveau Binz - Flore de la Suisse, 3e édition, Haupt, Berne, 603 pages.

[3] Couplan F., Styler E. (1994), Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 415 pages.

[4] Thévelin T.  (2012-2015), Les plantes sauvages. Connaitre, cueillir et utiliser, Lucien Souny, 339 pages.

[5] Delarze R. & Gonseth Y, Eggenberg S & Vust M. (2015), Guide des milieux naturels de Suisse, 3e édition, Rossolis, Bussigny, 440 pages.

[6] Tison J.-M.& De Foucault B. (2014), Flora Gallica - Flore de France, 1re édition, Biotope, Mèze, 1196 pages.

[7] Bornand C. (2015), Aide à l’identification des taxons critiques ou absents du Flora Helvetica, 2e édition, Atlas de la flore vaudoise, CVB.

[8] www.infoflora.ch

[9] Support de cours de Ecole de plantes médicinale L’Alchémille

[10] Support de cours de Chemin de la Nature

Lexique :

[i] Rhizome : tige souterraine vivace, généralement à peu près horizontale, émettant chaque année des racines adventives et des tiges aériennes. On le distingue d'une racine car ses feuilles sont réduites à des écailles sèches.

[ii] Stolon : tige aérienne rampante à la surface du sol, généralement munie de racines adventives ce qui permet la multiplication végétative de la plante.

[iii] Acaule : plante sans tige.

[iv] Rosette : groupe de feuilles disposées en cercle, très rapprochées les unes des autres, qui se situe au niveau du sol.

[v] Feuilles cordées ou réniformes : feuilles en forme de cœur ou de rein.

[vi] Pétiole : c’est la partie amincie de la feuille reliant le limbe à la tige ou à l’axe de fixation.

[vii] Stipules : petit appendice pouvant ressembler à une feuille (rarement à une épine ou une glande) et inséré au point où le pétiole se relie à la tige.

[viii] Glabre : qui n’a pas de poil.

[ix] Sépale : pièce florale, habituellement de couleur verte, et d'aspect semblable à une feuille, situé sur le pourtour des pétales, et dont l'ensemble constitue le calice.

[x] Pétale : pièce florale, souvent colorée, qui entoure le système reproducteur et dont l'ensemble compose la corolle de la fleur.

[xi] Éperon : appendice tubulaire, étroit et allongé, postérieur et prolongeant les sépales ou les pétales) et contenant généralement du nectar.

[xii] Pédicelle : axe de petite taille portant une fleur unique.

[xiii] Bisannuelle : plante qui fait son cycle en deux ans.

[xiv] Feuilles caulinaires : feuilles qui poussent le long de la tige.

[xv] Silique : fruit formé à partir de deux carpelles (organe femelle composé de l’ovaire, du style et du stigmate) soudés séparés par une fausse cloison. Elles s’ouvrent du bas vers le haut par deux valves laissant apparaitre des graines sur la fausse cloison.

[xvi] Rudérale : qualifie une plante qui se développe dans une zone modifiée par l’activité humaine mais qualifie aussi une stratégie écologique marquée par la tolérance aux perturbations environnementales.

[xvii] Inflorescence : ensemble des fleurs.

[xviii] Pseudoverticille : faux verticille (groupe d’organes disposés circulairement au même niveau autour d’un axe).

[xix] Corolle : l'ensemble des pétales de la fleur.

[xx] Akène : fruit sec contenant une seule graine non soudée à la paroi interne du péricarpe (enveloppe du fruit contenant les graines).

[xxi] Plante adventice : en agronomie désigne une espèce indésirable au sein d’une culture.

[xxii] Radicante : qualifie un organe qui produit des racines.

[xxiii] Bulbille : petit bulbe se développant dans une inflorescence, à l’aisselle d’une feuille ou autour d’un bulbe, permettant la reproduction végétative.