Un mois, une plante : mars – l’ail des ours

Un mois, une plante : l’ail des ours

L’ail des ours de son doux nom latin Allium ursinum L. est peut-être l’une des plantes sauvages les plus connues de nos régions pour ses propriétés médicinales et culinaires. Mais elle a été confondue avec plusieurs plantes mortelles et nécessite donc plus que jamais une identification sérieuse (cf. article sur les règles de cueillette).

Il appartient à la famille des Amaryllidacées, une famille qui a été fortement remaniée et augmentée à la suite des avancées de la biologie moléculaire et qui appartient au groupe des monocotylédones[i].Cette famille comprend des représentants aussi connus que l’oignon, le poireau ou encore les jonquilles et les perce-neiges [1].

Le reconnaître :

L’ail des ours est une plante vivace[ii] bulbeuse à forte odeur d’ail, de 20 à 40 cm, vivant souvent en grande colonie dans les sous-bois. Sa tige est triangulaire avec 2 angles saillants. Son bulbe est oblong et entouré de tuniques blanchâtres membraneuses. Il émet d’abord 2 parfois 3 grandes feuilles ovales-lancéolées et pointues qui sont bien séparées les unes des autres (contrairement aux feuilles du muguet, qui sont engainées ensemble et par deux). Ses feuilles aux nervures convergentes vers la pointe, sont molles, glabres[iii], planes, brillantes sur le dessus et mates sur le dessous et la pointe de la feuille est recourbée vers l’arrière. Elles sont munies d’un long pétiole[iv] et d’un limbe[v] large de 3-6 cm, atteignant au total 20 à 25 cm de long. Les tiges florales mesurent de 25 à 50 cm de hauteur et portent des ombelles[vi] de 15 à 20 petites fleurs blanches à 6 tépales[vii], d’environ 1 cm de long, sans bulbille[viii]. Les boutons floraux sont protégés par une bractée membraneuse, appelée spathe, qui ne dépasse pas l'ombelle et qui est caduque[ix]. Le fruit est une capsule à 3 loges comportant chacune 1 à 2 graines noires [2 et 11].

Photo Flo'r Sauvage
Photo Aleksandra Kovacic sur unsplash
Photo Pierre Goujon sur flore-en-ligne.fr

Confusions :

Attention à la confusion avec 4 plantes toxiques :

L’arum est une plante vivace de 20-50 cm, glabre, à gros tubercule oblong. Ses feuilles ont des nervures ramifiées ce qui le différencie de l’ail des ours (dont les nervures sont convergentes). Le fruit est une grande spathe, vert-jaune ou violacée. On le trouve le long des haies, dans les forêts humides de feuillus et parfois en mélange avec l’ail des ours (image c).

La plante renferme des raphides d’oxalate de calcium très irritants ainsi qu’une essence âcre et ses fruits dont très riches en saponosides. La plante est irritante et rubéfiante et le contact du suc avec les muqueuses ou les yeux est dangereux, son ingestion peut provoquer des œdèmes de la gorge pouvant entrainer la mort par asphyxie. Les fruits sont plus dangereux car contrairement au reste de la plante, ils ne sont pas acre mais sucrés, sont très irritants et peuvent produire des troubles digestifs, nerveux et cardiaques parfois mortels.

Photo Nichola Schwab sur openflora.ch
Photo Muriel Bendel sur openflora.ch
Photo Muriel Bendel sur openflora.ch

Le colchique est une plante vivace bulbeuse de 10 à 40 cm, sans tige visible. Ses feuilles, généralement par 3 ou parfois 6, sont dressées, fermes, largement lancéolées et un peu pointues et entourent le fruit de la taille d’une noix qui apparait au printemps. Ses fleurs fragiles sont mauves à rose lilas et fleurissent sur une courte période en automne. On la trouve principalement dans les prairies.

La plante contient des alcaloïdes, notamment la colchicine dont l’ingestion produit des troubles digestifs, cardiovasculaires, nerveux et respiratoires fréquemment mortels. Le bétail est souvent intoxiqué, car l’ingestion de 0,1% du poids de l’animal est mortel.

Photo Wolfgang Bischoff openflora.ch
Photo Wolfgang Bischoff openflora.ch

Le muguet est une plante vivace de 10 à 25 cm, glabre, à souche rampante très fibreuse. Hampe simple, nue, et contrairement à l’ail des ours, enveloppée à la base par les gaines membraneuses des 2 feuilles basales. Les feuilles sont ovales lancéolées, glabres, lisses, à nervures convergentes, et à l’inverse de celles de l’ail des ours, mates dessus, luisantes dessous et la pointe du limbe est recourbée vers l’avant. Les fleurs sont groupées en courte grappe terminale de 5-10 fleurs blanches, penchées, en clochettes de 5-10 mm, à 6 petits lobes recourbés et à odeur suave. Les fruits sont des baies globuleuses rouges luisantes, à 3 loges et 6 graines.

La plante contient des hétérosides cardiotoniques dont le convallatoxoside. Le simple fait de mâcher un brin de muguet ou de boire l’eau dans laquelle on a mis un bouquet de muguet peut provoquer des troubles digestifs et cardiaques graves entrainant parfois la mort. Un bouquet de muguet dans une pièce fermée peut provoquer des problèmes nerveux.

Photo Pierre Goujon sur flore-en-ligne.fr

Le maïanthème à deux feuilles est une plante des forêts et prairies de montagne de 5 à 20 cm, à tige anguleuse et coudée à l'insertion de ses 2 feuilles. Ses feuilles sont alternes rapprochées, ovales en cœur et pétiolées. Les tiges non florifères ne porte qu'une feuille. Son inflorescence est une grappe terminale dressée, à fleurs blanches. Ses fruits sont des baies globuleuses, luisantes, rougeâtres et mouchetées de pourpre.

Le maïanthème a une toxicité proche de celle du muguet.

Photo Muriel Bendel sur openflora.ch
Muriel Bendel sur openflora.ch

Ces plantes toxiques peuvent pousser mélangées à l’ail des ours, donc soyez particulièrement vigilent·e lors de la cueillette en prélevant et vérifiant feuille par feuille (cf. article sur les règles de cueillettes).

Écologie :

C’est une plante indigène non menacée, qui pousse dans les sous-bois des forêts humides de feuillus (hêtraies et frênaies). Elle peut même être dominante dans les  hêtraies mésophiles de basse altitude. Son amplitude altitudinale correspond aux forêts de feuillus, soit de la plaine (étage collinéen) jusqu’à l'étage montagnard [4 et 8].

Selon Gérard Ducerf, l’ail des ours indique des sols riches en bases et en argiles, avec parfois un blocage de la postasse par compactage ou asphyxie induisant une déficience de la vie microbienne aérobie [6].

Attention la cueillette et l’utilisation de plantes sauvages n’est pas un acte anodin et nécessite de connaitre les précautions d’usage. Pour tout cela, veuillez vous référer à notre article sur le sujet ou vous inscrire à l’une de nos sorties sur l’onglet calendrier de ce site.

Constituants :

L’ail des ours contient des composés soufrés (alliine) et une enzyme (alliinase)qui produit la formation de thiosulfates (allicine, composé actif principal) à partir de alliine, qui est responsable de l’odeur de l’ail frais. Des vitamines A, B, E et beaucoup de vitamine C, des polysaccharides, des sels minéraux (calcium, phosphore, fer, sodium, magnésium, potassium, soufre, iode, silice), du germanium, du sélénium, des flavonoïdes, des lectines et des saponines [10 et 11].

Usages culinaires :

Ses feuilles récoltées entre fin février et mai, peuvent être mangées crues en salade ou en pesto. Elles peuvent également être cuites et notamment ajoutées aux omelettes ou aux soupes. Leur saveur délicate se perd au séchage. Certains consomment les boutons floraux, les fleurs, les fruits et les graines, mais je vous conseille ces usages avec parcimonie car en consommant ces parties, vous empêchez la plante de se reproduire (cf. article sur les règles de cueillettes) [2 et 11].

Photo Flo'r Sauvage

Usages médicinaux :

Attention l’utilisation de plantes pour des usages médicinaux n’est pas anodin et ne remplace en aucun cas l’avis d’un professionnel de la santé.

Les propriétés de l’ail des Ours sont très nombreuses et similaires à celles de l’ail cultivé. Il est antiseptique (antibactérien, antifongique, antiviral et antiparasitaire) particulièrement actif sur les systèmes digestif et respiratoire. Il est également apéritif et carminatif et soulage les douleurs gastriques, les flatulences et la diarrhée. Il est aussi expectorant et utilisé en cas de rhume, toux spasmodique et bronchite. Il est vasodilatateur et cardioprotecteur en raison de ses effets hypotenseur, hypocholestérolémiant, hypolipémiant et antiagrégant plaquettaire. Il est hépatoprotecteur, cholagogue et cholérétique. Il est aussi antioxydant, dépuratif, diurétique, anti-inflammatoire, immunostimulant, fortifiant, antispasmodique, favorise le métabolisme thyroïdien et aurait une action anti-apoptotique. Enfin en externe, il traite l’acné et les furoncles [10 et 11].

Contre-indications :

Toutes les parties de l’ail des Ours sont comestibles. Comme tous les ails, sauvages ou cultivés, de trop grandes quantités peuvent irriter le système urinaire et digestif [8].

Vous souhaitez en apprendre plus sur l’identification, la cueillette ou la préparation de l'ail des Ours et de bien d’autres plantes sauvage, alors n’hésitez pas à vous inscrire à nos sorties et ateliers.

Sources :

[1] Fragnière Y., Ruch N., Kozlowski E., Kozlowski G. (2020), Connaissances botaniques de base en un coup d'œil - 40 familles de plantes d'Europe centrale, 2e édition, Haupt, Berne, 319 pages.

[2] Couplan F., Styler E. (1994), Guide des plantes sauvages comestibles et toxiques, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 415 pages.

[3] Thévelin T.  (2012-2015), Les plantes sauvages. Connaitre, cueillir et utiliser, Lucien Souny, 339 pages.

[4] Delarze R. & Gonseth Y, Eggenberg S & Vust M. (2015), Guide des milieux naturels de Suisse, 3e édition, Rossolis, Bussigny, 440 pages.

[5] Kalbermatten R., Kalbermatten H. (2013), Teintures mères végétales – Essence et utilisation, 2e édition, AT Verlag, Aarau et Munich, 100 pages.

[6] Ducerf G. (2014), L’encyclopédie des plantes bioindicatrices – alimentaires et médicinales – guide de diagnostic des sols – volume 1, 4e édition, Promonature,351 pages.

[7] Eggenberger S., Möhl A. (2007). Flora vegetativa, 1re édition, Rossolis, Bussigny, 680 pages.

[8] www.infoflora.ch

[9] www.openflora.ch

[10] Support de cours de Ecole de plantes médicinale L’Alchémille

[11] Support de cours de Chemin de la Nature

Lexique :

[i] Monocotylédone : groupe taxonomique des plantes à fleurs (angiospermes) dont les représentants ne possèdent qu’un seul cotylédon (feuille embryonnaire), des feuilles à nervures principales ordinairement parallèles, des fleurs trimères (dont le nombre de pièces sont des multiples de trois), des racines généralement fasciculées, des vaisseaux conducteurs dispersés dans la tige et par l’absence de croissance secondaire en largeur.

[ii] Vivace : se dit d’une plante qui vit plusieurs années, c’est-à-dire qu’entre la germination de la graine et la mort de la plante, plus de deux ans s’écoulent. Synonyme : pérenne.

[iii] Glabre : signifie sans poils.

[iv] Pétiole : c’est la partie amincie de la feuille reliant le limbe à la tige ou à l’axe de fixation.

[v] Limbe : c’est la partie élargie de la feuille généralement peu épaisse et plane.

[vi] Ombelle : inflorescence dont les axes partent du même point et s’élèvent à peu près tous à la même hauteur, donnant l’apparence d’un parapluie.

[vii] Tépale : pièces de l’enveloppe florale où il n’est pas possible de distinguer un calice et une corolle, c’est-à-dire que ce ne sont ni des sépales, ni des pétales.

[viii] Bulbille : petit bulbe se développant dans une inflorescence, à l’aisselle d’une feuille ou autour d’un bulbe, permettant la reproduction végétative.  Chez les Allium, les bulbilles sont aussi de petits tubercules ayant la même fonction.

[ix] Caduque : se dit d’un organe se détachant et tombant spontanément.